J’aimerais donner également à ce blog, un rôle de complément « vivant » et réactif aux termes et technologies abordées dans mon roman.
Si la plupart des notions pointues communes à la « Hard Science-Fiction » (c’est à dire la science-fiction réaliste) sont vulgarisées et décrites dans mon récit, certaines d’entre-elles peuvent toutefois se révéler obscures.
N’hésitez pas à m’en faire la demande par commentaires ou directement en utilisant la rubrique « Contact », c’est avec plaisir que je tâcherai d’apporter les informations qui vous semblent nécessaires à une bonne compréhension de ces techniques.
Hathor ? Qu’est-ce donc ?
Si vous avez lu mon roman, vous avez certainement entendu parler des propulseurs spatiaux Hathor. Bien-sur ceux-ci n’existent pas dans la réalité et sont le fruit de mon imagination. Toutefois, le principe sur lequel ils reposent existe quant à lui bel et bien, et c’est ce principe (la propulsion magnéto-plasmique) que nous allons aborder dans cet article.
Je ne rentrerai pas dans les détails concernant le moteur Hathor utilisé dans mon roman pour une raison très simple, je ne tiens pas à spoiler mes futurs lecteurs potentiels en divulguant une trop grande quantité d’informations. Ceci étant dit, je peux me permettre de décrire ici son mode de fonctionnement afin qu’il soit mieux compris par les curieux désireux de satisfaire leur soif de savoir.
Le moteur VASIMR
Là nous ne sommes plus dans un contexte de science-fiction, mais bel et bien dans la réalité. Voici plusieurs dizaines d’années (1970 pour être précis), un astronaute du nom de Franklin Chang-Diaz spécialiste en physique des plasmas à eu cette idée. Un moteur capable de fournir une poussée grâce à un plasma ionisé, c’est à dire chargé électriquement.
Ce propulseur révolutionnaire est baptisé VASIMR pour: VAriable Specific Impulse Magnetoplasma Rocket
En français: propulsion magnéto-plasmique à impulsion spécifique variable
Qu’est ce qu’un plasma ? Et pourquoi ce plasma est-il chargé ?
Un peu de physique, rassurez-vous on ne va pas plonger dans un obscur cours de physique théorique mais juste survoler ce principe qui est essentiel à la compréhension de ce concept.
Un plasma est un gaz porté à une température extrêmement élevée (aux alentours de 2000°C). A cette température, les atomes qui constituent la matière sont tellement agités qu’ils se heurtent sans cesse, arrachant des électrons à leurs voisins. Les atomes qui perdent ainsi des électrons deviennent alors des ions, et perdent donc leur neutralité électrique. Ils prennent une charge, et comme toutes particules chargées, ils deviennent sensibles aux champs électriques et magnétiques.
Ce que vous voyez sur cette photo est un plasma porté à très haute température. Alors comment peuvent bien résister les matériaux qui constituent les parois de ce tore ? Tout simplement parce qu’en aucun cas le plasma n’est en contact avec les parois, il est confiné magnétiquement. Le champ magnétique repousse les ions vers le centre du tore, empêchant ces derniers d’échauffer les parois du dispositif.
Plier un plasma à sa volonté.
Suivant ce principe, il devient alors facilement possible de pousser ou attirer ces ions en utilisant un champ magnétique suffisamment puissant. C’est exactement ce qui fait la force du moteur VASIMR.
Même si le principe de fonctionnement des propulsions à base de gaz ionisé est largement abordé et décrit dans mon roman, rien n’égale un schéma simple dans la compréhension d’un concept aussi abstrait.
Son fonctionnement est le suivant: Un gaz est injecté dans le dispositif puis porté à une température très élevée et ionisé par par une antenne hélicoïdale. Il est ensuite confiné loin des parois grâce aux solénoïdes qui génèrent un champ magnétique axial. Les ions sont chauffés à nouveau par une antenne ICRH (Ion Cyclotron Resonant Heating) qui va porter le gaz à la température incroyable de près de 10 millions de degrés (!), et enfin les diriger vers la sortie en générant un champ électrique, accélérant alors le tout.
En appliquant le principe physique d’action – réaction, l’éjection à haute vitesse des ions par le moteur, va permettre de créer une poussée.
Principe des actions réciproques (ou action – réaction):
Pour rappel, le principe d’action – réaction (qui n’est autre que la 3ème loi de Newton) est la base de tout les systèmes de propulsion spatiale. Il peut être résumé à cette phrase:
Tout corps A exerçant une force sur un corps B subit une force d’intensité égale, de même direction mais de sens opposé, exercée par le corps B.
Ce phénomène n’existe pas que dans l’espace, il s’applique au quotidien, dans notre vie de tout les jours. La différence est principalement la présence de gravité qui s’oppose à cette force par les frottements occasionnés entre nous et le sol. Mais il est clairement ressenti si l’on annule ce frottement en faisant l’expérience sur une patinoire par exemple.
Pour mieux comprendre, je vous propose un exemple bien connu et plus parlant dans notre contexte:
Admettons qu’un astronaute, tenant dans sa main une clé anglaise, se trouve dans l’espace en un endroit où règne une gravité nulle. Il est immobile, flottant sans bouger, n’ayant aucune possibilité de se mettre en mouvement afin de rejoindre sa capsule qui ne se trouve à quelques mètres de lui. Que doit-il faire ?
Sa vitesse est donc égale à zéro. Il ne peut attendre que la force de gravité (négligeable) qu’exerce sa capsule sur son corps ne l’attire vers elle. Cela prendrait bien plus de temps que ne le lui permettrait sa réserve d’oxygène. Mais cet astronaute, de par sa formation, est parfaitement familier de la 3ème loi de Newton. Il prend donc la décision de laisser les lois de la physique le tirer de ce mauvais pas.
En lançant sa clé dans la direction opposée à sa capsule, ce dernier va utiliser ce principe afin de créer une poussée. La force qu’il imprime à la clé est également imprimée à son propre corps mais dans le sens opposé (c’est à dire vers sa capsule). Néanmoins, la masse de l’astronaute étant supérieure à la masse de la clé anglaise, ce dernier gagnera une vitesse inférieure à celle qu’aura gagné la clé anglaise.
La clé anglaise sera donc perdue, avançant à vitesse constante vers les confins de l’univers. Mais l’astronaute aura acquis suffisamment de vitesse pour parcourir les quelques mètres qui le séparaient de sa capsule en un temps limité. Il est sauvé !
Ces valeurs peuvent aisément être calculées en appliquant la seconde loi de Newton sur les mouvements:
(où « F » est la somme des forces extérieures, « m » la masse de l’objet, et « a » son accélération)
En connaissant la force exercée par l’astronaute et sa masse, on peut donc en déduire l’accélération qu’il subira en direction de sa capsule:
Ces aspects de la physique Newtonienne sont également présents et décrits dans mon roman (bien sur de façon beaucoup plus succincte). Cet article peut constituer une bonne base pour le lecteur ne possédant pas ces connaissances.
Le voyage interplanétaire à notre portée
Tout ça est bien joli mais qu’est-ce qui change par rapport un booster à poudre traditionnel, tel qu’utilisé sur nos fusées ?
La réponse est: La polyvalence !
A l’heure actuelle on distingue deux types de besoins pour la propulsion des engins spatiaux.
- Faible poussée mais forte impulsion spécifique (trajet interplanétaire)
- Forte poussée mais faible impulsion spécifique (décollage, mise sur orbite haute, insertion trans-planétaire,…)
Je précise que ce que j’appelle ici « impulsion spécifique » représente simplement le rapport entre la force de poussée, le temps et la consommation en carburant.
Pour ces deux types de besoin, nos missions spatiales actuelles ont recours à deux types de moteur différents. Une telle contrainte implique de devoir embarquer le carburant pour ces deux types moteurs ainsi que la totalité des équipements nécessaires, ce qui représente un poids non négligeable supplémentaire et autant de matériel, de nourriture et de membres d’équipage en moins.
La propulsion magnéto-plasmique du VASIMR permet d’ajuster ses paramètres de fonctionnement pour atteindre ces deux types de besoins. Et donc, de remédier à cet inconvénient puisque ces deux types d’utilisations peuvent être assurés par un seul et même propulseur de ce modèle. On économise donc énormément de place et de poids.
A cela s’ajoute un rendement supérieur, ainsi qu’une possibilité de stockage du carburant de façon beaucoup plus simple et sans danger. Le « carburant » en question étant un gaz (hydrogène, xénon, argon, hélium,…) qui peut donc être comprimé pour être stocké, et qui présente pas ou peu de danger d’explosion et de corrosion.
Ce type de moteur pourrait aisément mettre Mars à quelques dizaines de jours de voyages de la Terre (au lieu des 6 à 9 mois nécessaires pour une propulsion conventionnelle par moteur-fusée).
Sources:
- http://spaceflight.nasa.gov/spacenews/releases/2000/h00-91.html
- http://www.adastrarocket.com/aarc/
- http://www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/dossiers/d/astronautique-mars-moteurs-voyage-316/page/5/
- http://www.popsci.com/technology/article/2010-10/123000-mph-plasma-engine-could-finally-take-astronauts-mars
3 Commentaires
Bravo pour cette très bonne vulgarisation de la propulsion magnéto-plasmique
Auteur
Merci Gilles 🙂
Rien a redire:)