LA question à laquelle se heurte tout auteur de science-fiction désireux d’utiliser l’espace comme terrain de jeu. Mais aussi la question que se posent beaucoup de lecteurs et de spectateurs en voyant un film qui en donne son interprétation.
Alors ? Peut-on survivre dans l’espace si, comme le Dr Bowman, on a oublié son casque dans son vaisseau ?
Ou si, comme Ford Escort et Arthur Accroc, on se fait jeter d’un vaisseau dans lequel on était entré clandestinement en faisant de l’astro-stop ?
Et que se passerait-il ? Va-t-on bruler ? Geler ? Exploser ? Voyons d’abord un peu comment la science-fiction répond à cette question.
Les faits
Prenons quelques exemples de films de science-fiction où les protagonistes sont directement confrontés aux affres du vide spatial. Nous allons voir que cette question est souvent abordée de façon très différente d’une œuvre à l’autre, ce qui peut parfois porter à confusion…
La vision pessimiste
A ce jeu là, Brian de Palma gagne haut la main puisque l’un de ses personnages du très moyen Mission to Mars va enlever son casque en pleine sortie extra-véhiculaire et mourir instantanément. Pas même un dernier souffle pour le pauvre Woody dont le visage gèle et se boursouffle à la seconde même où il va soulever son casque.
Autre exemple, moins rapide mais tout aussi terrible, dans l’intéressant Sunshine de Danny Boyle. Où l’on pourrait résumer le dilemme par: 3 hommes, 1 scaphandre, 3 possibilités…
Harvey, Capa et Mace sont tout trois coincés dans le mauvais vaisseau et doivent rejoindre le bon vaisseau. Le problème ? Le sas est détruit et ils ne disposent que d’un seul scaphandre. Ils décident de le donner à Capa (seul personnage indispensable à la mission), tandis que les autres vont s’agripper à lui tout en s’étant « emballés » dans de l’isolant thermique.
Pendant le « saut » dans le vide, Harvey est malencontreusement dévié de sa trajectoire et rate son entrée dans le second vaisseau. Il continue sur sa lancée et gèle en moins de 30 secondes avant de dépasser le gigantesque bouclier qui les protégeait du rayonnement solaire et de bruler. Pas très réjouissant.
La vision optimiste
D’autres sont beaucoup plus optimistes, et celui qui sera certainement indétrônable est sans doute Douglas Adams, puisque pour survivre dans l’espace ses personnages n’ont besoin que d’une… serviette. Serviette qui sert à peu près à tout faire selon le Guide du Voyageur Galactique. Certes il s’agit là d’un type assez particulier de science-fiction puisqu’il se veut drôle avant-tout, mais nous ne sommes pas très éloignés de Mace et Harvey avec leurs bouts d’isolant thermique non ?
Parlons-en justement, car si Harvey à mal fini, qu’est-il arrivé à Mace ? Et bien il a survécu à son bond dans le vide spatial, mais se retrouve assez durement brulé par les quelques secondes d’exposition au froid de l’espace.
Démystifions !
Quelles sont les conditions du vide spatial ?
La pression
Dans le vide de l’espace, la pression est considérée comme (presque) nulle. En effet, la pression est la force qu’exerce un ensemble d’atomes sur une surface. Plus il y a d’atomes dans un volume donné, plus la pression y est importante.
Or, sans matière pas de pression, donc ce que l’on appelle du vide. La pression est une unité fondamentale de la thermodynamique, car elle influence énormément ses réactions. Si bien que plus la pression diminue, plus la température d’ébullition d’un fluide donné diminuera également.
La température
Il en va de même avec la température. Sans matière, la notion de température n’a aucun sens. Ce que l’on appelle la température d’un corps est en réalité le niveau d’agitation des atomes qui le constituent. Plus les atomes vibrent et s’agitent, plus la température est grande.
Or dans le vide, il n’y a théoriquement pas d’atomes. Donc pas de température ?
En réalité, le vide n’est jamais vraiment vide, il contient des particules. Notamment des photons qui sont porteur de l’information de température de l’atome qui les a émis. N’importe quel corps dans l’univers émet des photons, c’est ce que l’on appelle le rayonnement du corps noir.
Autrement dit, c’est ce rayonnement qui permet de déterminer une température dans le vide spatial. La conséquence est donc qu’elle peut être très variable selon l’exposition. Au Soleil, en orbite terrestre, elle montera à plus de 100°C alors qu’à l’ombre elle chutera à près de -260°C.
Les rayonnements
Notre Soleil ne fait pas que nous envoyer de la lumière visible, il nous envoie également un large panel de rayonnements de longueur d’onde différente dont le spectre de la lumière visible ne représente qu’une toute petite partie.
Et la zone intéressante se situe après le violet, c’est à dire à partir des ultraviolets (ou UV). Les longueurs d’ondes plus petites impliquent des fréquences plus élevées. La mécanique quantique nous dit que même si l’onde garde une énergie équivalente quelle que soit la fréquence (même amplitude), les photons générés en revanche seront beaucoup plus énergétiques (car moins nombreux). Leur impact sur les organisme des astronautes sera alors beaucoup plus grand.
A titre d’information, un astronaute en poste sur l’ISS, qui est pourtant pourvue de protections contre les radiations, va encaisser autant de radiations en une journée (1 millisievert) qu’un terrien pendant un an.
Alors qui a raison ?
La nature nous a conçu, ou plus exactement, nous nous sommes adaptés pour vivre à la surface de notre planète Terre. C’est à dire dans un environnement à 1 bar de pression, 15°C de température moyenne et où le rayonnement UV et les bombardements de particules sont limités par une atmosphère épaisse et un champ magnétique intense. Or nous venons tout juste de voir que parmi tous ces paramètres, il n’en est aucun qui soit égal ou proche des conditions du vide spatial.
C’est donc sans surprise que je vous annonce qu’il n’est pas possible de survivre sans scaphandre dans l’espace… Enfin si, mais pas longtemps. Environ 2 minutes.
Ni l’un ni l’autre
En revanche nous sommes très loin des deux approches que nous avons vu plus haut. Car, contrairement à ce que montrent la plupart des films de SF, ce n’est pas le froid qui représente le paramètre le plus dangereux pour l’Homme mais la pression.
Admettons qu’un astronaute se trouve contraint de sauter dans le vide spatial sans scaphandre, que va-t-il lui arriver ?
Tout d’abord il lui faudra vider ses poumons avant de sauter, car la diminution de la pression va induire une augmentation du volume que prends l’air. Sans cela, les 6 litres d’air contenus dans ses poumons vont les détruire.
A ce moment, l’astronaute dispose encore d’assez d’oxygène dans le sang pour le maintenir conscient. Mais la baisse de pression extérieure va modifier le comportement des alvéoles pulmonaires, elles vont inverser leur fonctionnement. C’est à dire que la pression du dioxygène du sang étant supérieure à celle qui règne dans la cavité pulmonaire, ce dernier va quitter la circulation sanguine pour retourner dans les poumons. Ce phénomène conduira inexorablement vers une hypoxie au bout d’une quinzaine de secondes.
Mais tout n’est pas encore perdu ! Même si l’astronaute à perdu connaissance, il n’est pas encore mort. Mais un autre phénomène va venir le mettre en danger. Comme cité plus haut, la thermodynamique précise que la température d’ébullition d’un liquide décroit avec la baisse de pression de son environnement. Notre corps est constitué d’eau à hauteur de 70%. Imaginez alors que toute cette eau se mette à bouillir… Ce qui en résulterait serait dramatique, l’eau du corps commencerait à se sublimer par tous les pores de la peau, et les vaisseaux sanguin seraient obstrués par des bulles de vapeur avant de se déchirer avec l’augmentation de l’ébullition.
Dans ces conditions, des dégâts irréversibles seraient causés après une durée de 2 minutes. Mais si, par chance, l’un de ses équipiers le ramenait dans le sas avant ces 2 minutes, la situation reviendrait subitement dans l’ordre et il ne souffrirait pas de séquelles graves. Mis à part celles que pourraient causer l’exposition aux radiations pendant cette courte durée.
Tout ceci concerne un saut dans le vide à l’ombre bien sûr. Car s’il avait le malheur de le faire en pleine exposition solaire le résultat serait bien plus pessimiste puisqu’il serait irrémédiablement brulé par les puissants rayons ultraviolets et gamma envoyés par le Soleil.
Mais ? Et le froid ? Me direz-vous.
Balivernes ! Oui l’espace est froid, mais qu’est-ce que le froid en réalité ? Je parle ici de la sensation de froid. Il ne s’agit pas de la température, mais du transfert thermique. Le froid ressenti par le corps humain lorsque vous vous promenez tout nu dans la neige, correspond au transfert de votre chaleur 37°C vers l’air 1°C afin de tendre vers l’équilibre. C’est à dire que votre corps va donner sa chaleur à l’air jusqu’à ce que les deux soient à la même température (ce qui peut prendre un certain temps).
Si l’on pose un bloc de polystyrène et un bloc de fer sur une table dans une pièce à 20°C, que l’on attends quelques heures et que l’on s’amuse à toucher ces deux blocs, que va-t-on ressentir ?
Le bloc de Fer semble plus froid que le bloc de polystyrène.
Pourquoi ? Ils sont pourtant tous les deux à la même température. Oui mais le Fer est un meilleur conducteur thermique que le polystyrène, le transfert de votre chaleur est donc plus efficace lorsque vous touchez le bloc de fer. Vous lui donnez plus de chaleur, donc il vous semble plus « froid ».
Or, le vide est un très bon isolant thermique ! On l’utilise même dans notre vie de tout les jours pour conserver les boissons ou aliments à température dans les récipients isothermes.
Sans contact avec un autre corps ou avec de la matière, la seule façon de transférer la chaleur du corps de l’astronaute est de la rayonner sous forme d’infrarouges. Or dans ces conditions, il faudrait plusieurs jours pour qu’il la perde en totalité.
Finalement ce n’est pas si terrible !
Eh non, contrairement à ce que l’on montre dans beaucoup de films de SF, le vide de l’espace n’est pas si hostile et permet de disposer d’un peu de temps pour permettre de se tirer de ce mauvais pas (bon ça reste limité quand même).
Et les astronautes le savent bien. A tel point que le 21 aout 2014 l’astronaute italien Luca Parmitano à bien failli enlever son casque en pleine sortie extra-véhiculaire autour de l’ISS !
Suite à un dysfonctionnement de sa combinaison, de l’eau s’est infiltrée dans son casque et menaçait de provoquer sa noyade. Gardant son sang froid, il décida de rejoindre la station avant que la situation ne devienne ingérable. Mais durant tout ce temps, il garda à l’esprit une solution qui aurait pu le sauver:
Enlever son casque !
Sources non liées dans l’article:
- http://www.damninteresting.com/outer-space-exposure
- http://science.howstuffworks.com/question540.htm
- http://www.geoffreylandis.com/vacuum.html
- http://www.francetvinfo.fr/sciences/un-astronaute-echappe-de-peu-a-une-noyade-dans-l-espace_395374.html
- http://blogs.esa.int/luca-parmitano/2013/08/20/eva-23-exploring-the-frontier/