Démystificateur: Le hurlement rauque d’un Tie-Fighter

Chasseurs Tie attaquant une corvette rebelle. Crédits: Darren Tan

Chasseurs Tie attaquant une corvette rebelle.
Crédits: Darren Tan

Voici le premier article de cette chronique qui m’a été suggérée par une lectrice de premier ordre. Comme son nom l’indique, un démystificateur est une personne qui démystifie. Certes, mais encore ? Le but est principalement de relever certains éléments d’œuvres de science-fiction et de les confronter aux réalités physiques.

Le but n’est bien-sûr pas de dénigrer ces œuvres, ou de prétendre donner des leçons à leurs auteurs. Il est essentiellement ludique et pédagogique car, comme vous aurez peut-être pu le lire dans mon article sur les différents courants de SF, certains auteurs prennent délibérément la décision d’éluder certains principes de la physique afin de nous offrir du rêve et de mettre en œuvre leurs idées. Autrement dit, cela ne relève pas forcément d’un manque de connaissance ou d’un mépris des lois de la nature, c’est simplement que le but recherché n’était pas d’être 100% réaliste mais plutôt 100% divertissant.

 

Je n’en ajouterai pas plus, et on va pouvoir passer dans le vif du sujet avec l’une des mystifications les plus courantes du cinéma de SF: Du bruit dans l’espace !

Les faits

C’est pile dans l’actualité, car le 7ème volet de la saga Star Wars va bientôt sortir et fait grand bruit (…justement). Et c’est précisément dans ce Space Opéra que cette mystification est la plus flagrante pour moi.

Qui n’a jamais eu la chair de poule en entendant hurler les moteurs d’un chasseur de l’Empire (ou Tie-Fighter en anglais) ?

Qui n’a jamais retenu son souffle en entendant le bruit caractéristique de leurs tirs de lasers, frôlant le fuselage du X-Wing de Luke Skywalker ?

Et qui ne fut pas impressionné par la puissance de l’explosion des grenades soniques larguées par Obi Wan dans le champ d’astéroïdes pour semer Jango Fett ?

Explosion d'une grenade sonique (Star Wars)

Explosion d’une grenade sonique (Star Wars)

Tous ces éléments font partie de l’identité de cette célèbre saga qui a fait rêver des millions de personnes, et qui continuera sans doute encore longtemps. Et pourtant…

Pourtant rien de tout cela ne serait possible en réalité. Non pas parce que nous ne sommes pas encore assez technologiquement avancé, mais tout simplement parce que c’est impossible !

Démystifions !

Qu’est-ce que le son ?

Le son est une onde (ou vibration) mécanique. Et comme toutes les ondes mécanique, elle à besoin d’un support matériel pour pouvoir se propager.

L’exemple le plus typique est bien sûr celui de la surface de l’eau qui propage les ondes générées par un caillou qui en frappe la surface. De la même manière, le son utilise l’air comme fluide pour se propager.

L’onde sonore est une suite de compressions et de dépressions qui se propage d’atome en atome. Ce phénomène est possible grâce à l’élasticité du milieu. Pour schématiser, on pourrait dire qu’un atome va se faire pousser par son voisin de droite, ils vont donc se rapprocher (compression). Puis l’atome va, à son tour, pousser son voisin de gauche, qui va s’éloigner (dépression), avant de retrouver leur état initial.

Principe de propagation d'une onde sonore. (Crédits: C.P. Rigel)

Principe de propagation d’une onde sonore.
(Crédits: C.P. Rigel)

Sur cette animation, le graph situé sous l’infographie montre comment l’onde se déplace horizontalement. Mais il faut bien comprendre qu’après le passage de l’onde sonore, les atomes retrouveront leur position initiale. De la même façon qu’un bateau va se déplacer verticalement en suivant la vague, mais ne va pas se déplacer horizontalement avec celle-ci.

C’est bel et bien l’onde qui se déplace, et non la matière.

Déplacement de l'onde, et non de la matière. (Crédits: C.P. Rigel)

Déplacement de l’onde, et non de la matière.
(Crédits: C.P. Rigel)

Le rythme de cette variation de pression est ce que l’on appelle la fréquence, et elle se mesure en Hertz (Hz).

Par exemple, une onde sonore d’une fréquence de 10 kHz (qui correspond à un son aigu) traduit un rythme de 10 000 compression/dépressions par seconde. Sachant que l’oreille humaine est capable de détecter les fréquences allant de 16 Hz jusqu’à 20 kHz. En dessous ce sont les infrasons, et au dessus ce sont les ultrasons.

Mais l’air n’est pas le seul support d’une onde sonore (ou onde acoustique), divers matériaux peuvent également jouer ce rôle toujours en utilisant le même principe. D’autres gaz, l’eau, et même des solides comme le fer ou la pierre peuvent porter une onde sonore.

Où est le problème ?

Maintenant que vous savez ce qu’est le son, vous sentez venir la réponse n’est-ce pas ?

Et bien tout simplement qu’il n’y a pas suffisamment de matière dans l’espace pour porter une onde acoustique. On parle souvent du « vide » de l’espace. En réalité, l’espace n’est pas vraiment vide et contient toute sorte de gaz et de particules mais dont la densité est bien trop faible pour permettre à une onde sonore de se propager.

Un exemple très simple de s’en rendre compte et que vous avez peut-être déjà réalisé en cours de physique lorsque vous étiez à l’école, est de mettre un bon vieux réveil sous une cloche à vide. Lorsque le réveil sonne, nous ne l’entendons plus. En réalité nous entendons tout de même un faible son étouffé. Mais ce son provient de la propagation de l’onde sonore dans la matière de la table sur laquelle repose le réveil. Et non plus de l’air qui l’entoure (puisqu’on l’a retiré).

Explosion de la planète Alderaan (Star Wars)

Explosion de la planète Alderaan (Star Wars)

Autrement dit, si l’on regardait une scène de bataille spatiale de Star Wars dans la réalité depuis un scaphandre ou même depuis une capsule pressurisée, on entendrait absolument rien. L’espace c’est le silence. Même le X-Wing qui vient d’exploser à 50 mètres de vous ne produirait aucun sons. En revanche votre capsule pourrait être heurtée par des débris ou des émanations de gaz consécutives à l’explosion et qui produiraient un son, pour vous, qui êtes à l’intérieur (puisqu’elle est pressurisée). Mais en aucun cas vous n’entendriez directement le son, comme cela serait le cas sur Terre, produit par la destruction du vaisseau.

Pour aller encore plus loin, même l’explosion titanesque de la planète Aldérande (Alderaan pour les puristes) ne produirait pas le moindre petit son depuis votre capsule.

Mais à quoi pouvait bien penser Lucas ?

Même si je ne suis pas dans la tête de George Lucas, je ne peux me résoudre à penser qu’il ait pu commettre cet impair par pure ignorance. Mais faites l’expérience de regarder l’un de ces films en coupant systématiquement le son à chaque scène dans l’espace… Cela enlèverait beaucoup de cachet aux combats spatiaux non ? C’est donc dans ce but que cette incohérence physique est le plus fréquemment présente, pour le spectacle.

Et Star Wars n’en est pas le seul représentant, loin de là. Une grosse majorité des films de science-fiction présentent ce type de mystification.

Extrait de 2001 l'Odyssée de l'espace

Extrait de 2001 l’Odyssée de l’espace

Cependant, il en est d’autres qui en ont eu une approche différente. Le plus célèbre restera sans doute celui de Stanley Kubrick, 2001 l’Odyssée de l’espace.

La scène de la sortie extra-véhiculaire de l’un des astronautes exploite à fond le coté oppressant du silence de l’espace. Où seule sa respiration peut-être entendue, reproduisant les sensations réelles que le personnage pourrait ressentir dans un pareil moment.

Cette approche n’aura que très rarement été réutilisée par la suite. Mais un autre exemple, plus proche en date, a également porté une attention particulière à ceci. Il s’agit du film Gravity. Même si la raison en était plus par souci de réalisme, le coté oppressant du silence et des bruits étouffés des vibrations du scaphandre, reste présent.

Voila, j’espère que cet article vous a plu, je tâcherai d’alimenter régulièrement cette chronique avec d’autres mystifications du cinéma ou de la littérature de SF. N’hésitez pas à me soumettre d’autres thèmes que je me ferai un plaisir de décortiquer avec vous.

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