Les cataclysmes cosmiques

Explosion Badger de 23 kilotonnes le 18 avril 1953 dans le désert du Nevada. (Crédit: Gouvernement des USA)

Explosion Badger de 23 kilotonnes le 18 avril 1953 dans le désert du Nevada.
(Crédit: Gouvernement des USA)

Le 16 juillet 1945, au beau milieu du désert du Nouveau-Mexique, explosait la toute première bombe à fission nucléaire. Dégageant une puissance de 21 kilotonnes, soit 87 864 Gigajoules.

Ce jour là, l’humanité eut un exemple concret de la quantité d’énergie que pouvait contenir la matière. Et même si ces chiffres peuvent sembler peu parlants, un rapide coup d’œil à la photographie ci-contre permet de juger de l’incroyable puissance dégagée par l’atome.

Et pourtant, ces phénomènes artificiels si destructeurs pour l’être humain ne sont que des piqûres d’insectes par rapport à d’autres, pourtant 100% naturels, qui ont lieu en permanence aux confins de l’univers.

Les sursauts gamma, les supernovas, et les jets sont des phénomènes bien naturels et très fréquents dans l’univers, mais un seul d’entre-eux suffirait à réduire à néant toute vie sur Terre en un battement de cil. Ce sont ces cataclysmes, qui mettent en jeu des énergies qui nous seront certainement à jamais inaccessibles, que je vous propose de découvrir dans cet article.

Les supernovas

Certainement le plus connu du grand public, ce cataclysme est d’abord synonyme de mort. D’une part parce qu’il est issu, la plupart du temps, de la mort d’une étoile massive (8 à 10 fois la masse de notre Soleil) ayant épuisé ses réserves de combustible. Et d’autre part, parce qu’il s’agit d’une des explosions la plus puissante et destructrice jamais vue.

Vue d'artiste de l'explosion d'une supernova

Vue d’artiste de l’explosion d’une supernova

Je ne vais pas aborder le détail des réactions qui amènent l’étoile au stade de supernova car je l’ai déjà décris précisément dans un autre article que vous pouvez lire ou relire ici. Je vais plus largement me concentrer sur les différents types de supernovas et les effets qu’elles peuvent induire sur leur environnement.

J’ai dit que les supernovas (ou supernovae) étaient causées par la mort d’une étoile la plupart du temps. Les supernovas issues de la mort d’une étoile sont appelées « supernovas à effondrement de cœur », mais il existe un autre type de supernovas appelé « supernovas thermonucléaires ». Quelle est la différence ?

Les supernovas à effondrement de cœur

Il s’agit des supernovas « standard », c’est à dire celles qui sont issues d’une réaction due au processus de « mort » d’une étoile explicité ici. Une étoile mourante de plus de 8 à 10 masses solaires connaîtra fatalement ce funeste sort.

Pour résumer, le cœur de fer (élément résultant de la fusion des atomes de silicium) de l’étoile en fin de vie va atteindre une densité telle, que la gravité va l’emporter sur la pression de dégénérescence des électrons. L’étoile va alors s’effondrer sur elle-même à une vitesse vertigineuse (le processus déclencheur ne dure que quelques millisecondes), jusqu’à ce que la force nucléaire ne vienne brutalement s’y opposer. Les couches supérieures de l’étoile vont alors « rebondir » sur le noyau et être éjectées à grande vitesse par le phénomène d’onde de choc. Un dégagement d’énergie supplémentaire à lieu sous la forme de neutrinos et de rayonnements. Ce processus peut être découpé en trois grandes étapes schématisées ci-dessous.

1ère étape (Credit: C.P. Rigel)

1 – Contraction de l’étoile

(Credit: C.P. Rigel)

2 – Effondrement de l’étoile

3ème étape (Credit: C.P. Rigel)

3 – Explosion en supernova

Les supernovas sont classées par leur type spectral, c’est à dire qu’on analyse le spectre électromagnétique émis par les éléments qui la constitue. Ce qui revient à dire que les supernovas sont classées d’après leur composition chimique.

Supernova SN 1987A dans le grand nuage de Magellan. Il s'agit d'une supernova de type II. (Crédit: NASA)

Supernova SN 1987A dans le grand nuage de Magellan. Il s’agit d’une supernova de type II.
(Crédit: NASA)

On distingue deux grands type: I et II. Le premier concerne celles qui ne contiennent plus d’hydrogène, tandis que le deuxième concerne toutes celles qui en contiennent encore au moment de l’explosion. Dans chacun de ces types on trouve des sous-types représenté par une lettre:

  • Ib: Présence d’hélium
  • Ic: Faibles traces d’hélium
  • IIb: Il y a plus d’hélium que d’hydrogène
  • IIL: Il y a plus d’hydrogène que d’hélium et sa luminosité décroit de façon linéaire
  • IIP: Il y a plus d’hydrogène que d’hélium et sa luminosité décroit de façon lente, la courbe de lumière dessine un plateau (P)

 

Les supernovas thermonucléaires

Il existe un autre type de supernova dont je n’ai pas parlé ci-dessus. Il s’agit du type Ia qui indique que le spectre contient du silicium. Mais le processus de déclenchement d’une supernova Ia ou thermonucléaire est différent de celui d’une supernova à effondrement de cœur.

En bas à gauche. Photographie prise par Hubble de la supernova SN1994D de type Ia, dans la galaxie NGC4526 se trouvant dans la constellation de la Vierge. (Crédit: NASA)

En bas à gauche. Photographie prise par Hubble de la supernova SN1994D de type Ia, dans la galaxie NGC4526 se trouvant dans la constellation de la Vierge.
(Crédit: NASA)

En fait, tout commence par un cadavre d’étoile : Une naine blanche. C’est à dire le reliquat d’une étoile de petite taille (< 8 masses solaires) qui à déjà atteint la fin de sa vie. Le destin théorique d’une telle étoile est de se refroidir doucement, jusqu’à devenir une naine noire totalement inerte.

Pourquoi n’explose t-elle pas comme les autres ? Parce qu’elle ne dispose pas de suffisamment de matière pour atteindre la masse de Chandrasekhar. Jusque là tout va bien, mais il arrive parfois que sa gravité attire de la matière environnante qui va alors venir augmenter sa masse. Tant que cette dernière reste inférieure à la masse de Chandrasekhar, il peut se produire tout au plus une Nova. C’est à dire que des réactions de fusion vont être réamorcées et que l’étoile va se mettre à briller plus fortement jusqu’à retrouver sa stabilité.

Mais parfois, il arrive que la naine blanche « attrape » une grande quantité de matière. Et si cette limite de Chandrasekhar est franchie, alors c’est l’explosion. Une réaction de fusion totalement incontrôlée se produit et fini par désintégrer la naine blanche dans une gigantesque explosion thermonucléaire. Il s’agit d’une réaction très proche de ce que produisent nos bombes H, à une échelle nettement plus importante bien entendu.

 

Les effets d’une supernova

Burning-Earth-Art-1920x1080Paradoxalement, les effets de l’explosion d’une supernova sont plutôt bénéfiques pour l’univers. Elles vont diffuser dans le cosmos une grande partie des éléments qu’elles ont fabriqués par leurs réactions de fusion. Des éléments comme le carbone, le silicium, le fer, et l’oxygène. Leurs ondes de choc peuvent aussi venir comprimer des nuages de gaz voisins, donnant ainsi naissance à d’autres étoiles. Vous comprenez alors pourquoi l’astronome Hubert Reeves affirme que nous sommes tous constitués de poussières d’étoiles. 🙂

Mais que se passerait-il si une telle onde de choc, issue d’une supernova voisine, atteignait la Terre ? Ce serait, bien-sûr, catastrophique pour notre petite planète. Notre atmosphère serait réellement malmenée par le flux de particules à haute vélocité issu de l’explosion. L’ozone serait détruit laissant pénétrer une grande quantité de rayons ultraviolets jusqu’à notre sol. Cela engendrerait certainement des extinctions de masse et une modification radicale de la chimie atmosphérique.

Bien entendu, cela dépend de la distance à laquelle se trouvait l’étoile. Il est communément admis que la distance de sécurité pour éviter tout impact significatif sur notre planète est de 50 à 100 années-lumière. Il n’y a, à l’heure actuelle, aucune étoile située sous cette limite et qui soit susceptible d’atteindre ce stade dans un avenir proche.

Bételgeuse au sein de la constellation d'Orion. Cette photographie est un collage de photos du VLT. (Crédit: ESO)

Bételgeuse au sein de la constellation d’Orion. Cette photographie est un collage de photos du VLT.
(Crédit: ESO)

Au delà, une des clientes possibles serait Bételgeuse. Cette géante rouge qui pourrait engloutir en sont sein, le Soleil, Mercure, Venus, la Terre et Mars sur leurs orbites respectives. Sa masse de 15 masses solaires, est trop importante pour qu’elle ne meure sans devenir une supernova, stade qu’elle pourrait atteindre d’un moment à l’autre. Aussi bien maintenant que dans plusieurs milliers d’années, un laps de temps très court à l’échelle de l’Univers. Mais, rassurez-vous, Bételgeuse se trouve à plus de 600 années-lumière et son explosion ne sera rien d’autre qu’un magnifique spectacle pour les terriens.

Les sursauts gamma

Vue d'artiste d'un sursaut gamma lors de la formation d'un trou noir stellaire. (Crédit: National Geographic)

Vue d’artiste d’un sursaut gamma lors de la formation d’un trou noir stellaire.
(Crédit: National Geographic)

Comme son nom l’indique, un sursaut gamma est une émission brutale de rayonnement gamma en provenance des confins de l’Univers. Même si l’on parle aussi « d’explosion gamma », le nom de sursaut est tout de même plus approprié (selon moi) de par leur nature totalement imprévisible et incroyablement violente.

Il s’agit certainement de l’un des phénomènes le plus puissant et le plus destructeur de l’Univers. Certains de ces sursauts sont même produits par l’explosion d’une supernova, ce qui conjugue les deux cataclysmes. Mais le sursaut gamma est un flux dirigé sur un axe précis, un étroit faisceau à l’instar des jets, que nous aborderons dans la partie suivante de cet article.

Le sursaut peut se représenter sous la forme d’un faisceau assez fin, et qui le rendrait totalement invisible pour un observateur ne se trouvant pas dans sa ligne de mire.

Au fil des observations, nous nous sommes rendus compte qu’il pouvait exister deux types de sursauts, des longs et des courts.

Les sursauts longs

Lors de la mort d’étoiles massives, il arrive qu’un sursaut gamma long se produise. Il n’est pas systématique, et les raisons pour lesquelles certaines étoiles vont en produire et d’autres non, ne sont pas clairement élucidées. Mais on peut, en revanche, affirmer qu’ils sont le fruit d’une mort stellaire particulièrement violente. Leur incroyable luminosité nous permet d’avoir une bonne idée de l’état de l’Univers il y a plusieurs dizaines de milliards d’années, car leur lumière intense est facilement détectable même pour une étoile située à plusieurs dizaines de milliards d’années-lumière. Cela nous donne donc un instantané de cette étoile telle qu’elle se trouvait dans le passé, puisqu’il s’agit du temps qu’aura mise sa lumière pour nous atteindre.

Sursaut Gamma GRB990123 (Gamma Ray Burst), photographié par Hubble le 8 février 1999. L'explosion ayant eu lieu le 23 janvier 1999, sa lueur sur cette photo ne représentait plus qu'un quatre millionième de ce qu'elle avait été. Soit aussi lumineuse que 100 millions de milliards d'étoiles ! Elle se situe au sein d'une galaxie se trouvant aux 2/3 de la distance qui nous sépare de l'horizon observable de l'univers. (Crédits: ESA/NASA)

Sursaut Gamma GRB990123 (Gamma Ray Burst), photographié par Hubble le 8 février 1999. L’explosion ayant eu lieu le 23 janvier 1999, sa lueur sur cette photo ne représentait plus qu’un quatre millionième de ce qu’elle avait été. Soit aussi lumineuse que 100 millions de milliards d’étoiles! Elle se situe au sein d’une galaxie se trouvant aux 2/3 de la distance qui nous sépare de l’horizon observable de l’univers.
(Crédits: ESA/NASA)

Nous pensons, aujourd’hui, que la plupart des sursauts gamma longs sont provoqués par les ondes de choc violentes engendrées par l’effondrement d’une étoile massive en un trou noir.

Les sursauts courts

Les sursauts courts sont le résultat des mêmes processus que les sursauts longs, mais leur origine est différente. Il est communément admis que les sursauts courts sont le fruit de la fusion d’objets extrêmement massifs, tels que des trous noirs ou des étoiles à neutrons. Dans un système binaire, il est fréquent que les importantes ondes gravitationnelles générées par ces poids lourds de l’espace provoquent leur rapprochement jusqu’à la fusion. Les énergies en jeu lors de telles rencontres sont alors phénoménales.

Les effets d’un sursaut gamma

On considère aujourd’hui comme possible l’éventualité que l’extinction de masse de l’Ordovicien-Silurien il y a 445 millions d’années, ait pu être causée par un sursaut gamma.

Il faudrait pour cela que l’explosion ait lieu à moins de 6500 années lumières, et que la Terre se trouve dans la ligne de mire du jet de rayons gamma. Les conséquences seraient assez similaires à celles d’une supernova. La couche d’ozone serait détruite, exposant la surface de la Terre aux destructeurs rayons ultraviolets du Soleil. Il provoquerait également une modification chimique de l’atmosphère, générant un smog opaque assimilable à un hiver d’impact qui refroidirait le climat mondial. Mais la destruction de l’atmosphère pourrait aussi laisser libre champ aux rayons cosmiques de haute énergie, qui pourraient empoisonner la surface terrestre exposée au faisceau et la rendre radioactive.

Les jets

Galaxie M87 contenant en son centre un trou noir supermassif provoquant un jet de matière de plus de 5000 années lumières de longueur. (Crédits:NASA/Hubble)

Galaxie M87 contenant en son centre un trou noir supermassif provoquant un jet de matière de plus de 5000 années lumières de longueur.
(Crédits:NASA/Hubble)

Assez méconnus du grand public, les jets sont avant tout des objets magnifiques mais aussi… vivants. Ce que je veux dire par là c’est que leurs mouvements sont facilement observables à l’échelle humaine. Nous qui sommes habitués à des images « figées » du cosmos, tant les distances sont importantes par rapport aux vitesses, nous pouvons facilement visualiser les évolutions des jets à l’échelle de quelques années.

Les jets sont des flux de matière très groupés qui sont éjectés, la plupart du temps, d’un disque d’accrétion. Les mécanismes à l’origine de l’énergie cinétique qui les animent sont souvent liés aux champs magnétiques des objets qui les ont engendrés.

Leur provenance peut avoir diverses origines, notamment des étoiles en formation, des étoiles à neutrons, ou encore des trous noirs. Leur vitesse est au moins supersonique, et peut atteindre un niveau relativiste pour le cas des trous noirs. C’est à dire qu’elle s’approche de la vitesse de la lumière. Dans certains cas, les jets peuvent même donner l’impression de dépasser la vitesse de la lumière, mais il ne s’agit que d’une illusion d’optique, ce qui n’empêchent pas ces jets d’être parfois appelés « jets supraluminiques ».

La vitesse et la quantité de matière des jets peuvent provoquer des chocs dans le milieu interstellaire si ce dernier rencontre de la matière. Le jet va ainsi entrer en collision avec la matière interstellaire, la comprimant, et la ionisant. Le gaz peut ainsi atteindre des températures de 7000°C à 12000°C illuminant le nuage. A ce moment, la formation peut être comparée à celle d’une nébuleuse, et l’objet obtenu est appelé objet Herbig-Haro.

Objet Herbig-Haro HH47, animation constituée d'une séquence de photos prises par Hubble sur une période de 5 ans. (Crédit: NASA)

Objet Herbig-Haro HH47, animation constituée d’une séquence de photos prises par Hubble sur une période de 5 ans.
(Crédit: NASA)

Les effets d’un jet interstellaire

Vue d'artiste de l’interaction entre l'atmosphère et les rayons cosmiques, provoquant une aurore.

Vue d’artiste de l’interaction entre l’atmosphère et les rayons cosmiques, provoquant une aurore.

Dans le cas d’un jet non relativiste, les effets seraient très limités car ces structures n’ont une durée de vie que de quelques milliers d’années. Leur vitesse étant insuffisante pour qu’ils nous atteignent avant d’avoir été fortement dissipés dans le milieu interstellaire. En revanche, si le jet est relativiste, il peut aisément parcourir plusieurs milliers d’années-lumière et, donc, nous atteindre. De plus, dans ce dernier cas, l’énergie en jeu sera beaucoup plus importante.

Dans le cas où l’un de ces jets nous heurterait de plein fouet c’est, une fois de plus, l’atmosphère terrestre qui serait mise à rude épreuve. Les hautes couches seraient ionisées et le champ magnétique terrestre pourrait subir des déformations et des perturbations. Ce qui aurait pour effet l’ouverture de brèches dans notre magnétosphère, qui laisseraient passer le rayonnement cosmique et le vent solaire. Les conséquences sur la surface seraient un empoisonnement du sol par la radioactivité conséquente au bombardement cosmique, ainsi que la modification chimique de l’atmosphère. Le climat en serait, sans aucun doute, totalement chamboulé.

Aussi beaux que dangereux

Ces phénomènes qui nous paraissent si irréels, sont monnaie courante dans l’univers. Nous en sommes parfois les témoins privilégiés, et chacun d’eux nous apprend quantité de choses sur leurs mécanismes et sur l’histoire de l’univers. Il n’en faudrait pas beaucoup pour passer de témoin à acteur, mais il s’agit d’un « pas grand chose » à l’échelle de l’univers. Or une vie humaine n’est qu’un tic-tac insignifiant dans la grande horloge du cosmos. Nous serons, à n’en pas douter, à nouveau les témoins de ce type de cataclysme, mais il se passera certainement des centaines de milliers d’années avant que l’un d’eux ne puisse un jour nous inquiéter.

En attendant nous pouvons continuer de nous émerveiller devant les magnifiques reliques que chacun d’eux nous laisse contempler. Je vous donne d’ailleurs rendez-vous prochainement pour la photo qui sort du lot. Je vous ai choisi une image époustouflante et qui nous en montrera un petit échantillon.

Laisser un commentaire